RWANDA
AU COMMENCEMENT DE L’IDÉOLOGIE GÉNOCIDAIRE AU RWANDA, L’ÉGLISE EST IMPLIQUÉE
par JEAN DAMASCÈNE BIZIMANA

C’est en 1957 que fut rédigé le célèbre « Manifeste des Bahutu » considéré de nos jours comme le texte fondateur de l’idéologie génocidaire au Rwanda dans la mesure où il inaugura une politique raciste basée sur l’exclusion de la minorité ethnique. Ce texte est l’œuvre de deux missionnaires, le Chanoine Ernotte et le Père Arthur Dejemeppe, sous la supervision de Mgr Perraudin.
La Nuit rwandaise Mis en ligne par
Mots clés (Tags): Journaux - Revues Livres Rwanda
À la suite de ce texte, un parti politique dénommé Parmehutu (parti pour l’émancipation du peuple hutu) fut créé avec un large soutien des Missionnaires. Comme son nom l’indique, ce parti consacre la suprématie du groupe ethnique majoritaire comme symbole de la démocratie. En 1959, Mgr Perraudin publia une lettre pastorale peu avant la période de carême dans le but de fustiger les injustices sociales en cours, mais le ton et les termes utilisés constituèrent plutôt une incitation et un encouragement des Hutu à débuter les premiers massacres visant les Tutsi. En 1963, le Parmehutu organisa des massacres identiques dans la préfecture de Gikongoro. C’est ce qui fut appelé le « petit génocide » dans lequel 20.000 personnes d’ethnie tutsi trouvèrent la mort2. À Cyanika, ma région natale, le Père De Vincke, surnommé Rufigi, se plaça dans la cour de l’église, devant une foule de tueurs, et tira en l’air en déclarant : « Tuer un Tutsi n’est pas un péché ! » en guise d’incitation aux massacres ethniques. En 1973, un « Comité de salut public » composé d’étudiants hutu fut créé sur instigation de l’Abbé Naveau, professeur au Collège du Christ Roi de Nyanza. Il fera des ravages dans plusieurs écoles secondaires du pays, sommant les étudiants tutsi de déguerpir et les contraindra de s’exiler. Plusieurs étudiants membres de ce Comité criminel, formés au Collège Christ Roi, se distingueront plus tard dans la propagation de l’idéologie génocidaire, tel Léon Mugesera et le colonel Pierre-Célestin Rwagafilita. La même année, desFrères Joséphites tutsi furent massacrés à Kabgayi et l’Église ne prononça aucun mot de condamnation de ces assassinats de Religieux. De 1973 à 1994, le président Habyarimana mit en place une politique dite d’équilibre ethnique et régional, excluant les Tutsi de leurs droits civils, économiques et politiques. L’Église approuva aveuglément cette politique et la défendit avec acharnement. Durant ces années, l’Église et l’État firent cause commune dansla conduite des affaires publiques, transformant le pays en un État pratiquement catholique. À titre d’exemple, aucune nomination d’évêque ou de supérieur d’une congrégation religieuse ne pouvait se faire sans le consentementdes hautes autorités politiques de l’État. Le cercle restreint du pouvoir, animé par l’épouse du président de la République et par le colonel Sagatwa (secrétaire particulier du Président), téléguidait ces nominations3. En septembre 1990, le pape Jean-Paul II visita le Rwanda. En préparation de cette visite, cinq prêtres rwandais du diocèse de Nyundo eurent le courage de rédiger une lettre aux évêques en réagissant à une lettre pastorale du 28 février 1990 dans laquelle les évêques avaient soutenu la politique d’équilibre ethnique et régional pratiqué par le régime et qui excluait les Tutsi de la jouissance des droits fondamentaux les plus élémentaires4. Ces prêtres interpellaient leurs évêques sur la nécessité pour l’Eglise de ne pas se laisser « inféoder par le pouvoir séculier » et posaient clairement la question des réfugiés rwandais comme une priorité à exposer au Pape. Mgr Vincent Nsengiyumva, archevêque de Kigali et ami intime du Président Habyarimana, achemina la lettre aux services rwandais de renseignements et cette dénonciation valut la prison à l’un des signataires, l’Abbé Ntagara, soupçonné d’en être l’instigateur. Ce prêtre irréprochable sera tué pendant le génocide à Nyundo, dans des conditions atroces5, le 7 avril 1994. (...)
Tous les articles du second numéro de la revue La Nuit rwandaise, qui s’efforce de mettre en lumière le rôle de certains Français - jusque-là non jugés - dans le génocide des Tutsi au Rwanda, sont maintenant gratuitement accessibles en ligne sur le site :