Violences policières
Conférence de Maurice RAJSFUS
Que fait la Police ?

Maurice RAJSFUS est écrivain et président de l’Observatoire des libertés publiques. Il est l’auteur de nombreux ouvrages sur la collaboration et sur la police.
Que fait la police ?
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La question peut paraître provocatrice. Elle ne l’est plus lorsqu’il s’agit d’interroger les pratiques de ce corps d’État ces dernières cinquante années dans l’hexagone. Collaboration et algériens jetés à la Seine hier, "bavures" aujourd’hui. Peut-on tracer une certaine continuité dans les comportements policiers ? Il intervenait en décembre 2001, à l’invitation de l’association basque Oroit eta Sala (Rappeler et dénoncer). La conférence : Le débat : « La police est une très vielle institution. De tous temps, les citoyens et même les esclaves ont toujours eu le désir de se voir défendu. L’inquiétude, qu’on a monté en épingle ces derniers mois, en faveur de la sécurité qu’il faudrait recevoir de l’état, fait toujours le lit de la police et (c’est l’inquiétude que l’on peut avoir actuellement) d’un possible état policier. La police est une institution qui est vielle comme le monde, et je voudrais juste citer très rapidement un philosophe bien connu du XIXème siècle qui écrit, dans "L’origine de la famille, de la propriété privée et de l’état" quelques notes très intéressantes. Il dit : « un caractère essentiel de l’État consiste en une force publique distincte de la masse du peuple ». Et il ajoute : « Les Athéniens, instituèrent en même temps que leur état, une police, véritable gendarmerie d’archers, à pied et à cheval, mais cette gendarmerie était composée d’esclaves. Ces métiers de sbires paraissaient si dégradant aux libres Athéniens qu’ils préféraient se laisser appréhender par un esclave armé, plutôt que de se prêter lui-même à une pareille infamie ». C’est intéressant. Il dit encore : « L’État ne pouvait subsister sans police. Mais il était encore jeune et n’avait pas encore assez d’autorité morale pour rendre respectable un métier qui semblait nécessairement infamant ». Ce sont des réflexions qui datent de cent cinquante ans et qui sont frappées du bon sens. Quand on lit les divers ouvrages historiques sur la police, on s’aperçoit, qu’aussi bien à Sparte, et dans le même temps, dans l’Égypte ancienne, dans les états hébreux, de ce qui est maintenant l’Israël, il y avait des polices, des polices secrètes. A Rome, tout était déjà mis en équation. Il y avait des polices par quartiers. Tous les citoyens étaient mis sous haute surveillance. Ce qui est intéressant, c’est qu’à Rome, les chefs de quartiers portaient le titre de "denonciatore". ce qu’on retrouvera plus tard à Venise, où l’on conseillait vivement aux citoyens d’envoyer des lettres de dénonciation. Si vous allez un jour place St Marc, à l’angle du Palais et de la place St Marc, il y a encore un trou dans un mur, où l’on glissait les lettres de dénonciation jusqu’au XVIIIème siècle. C’est une institution qui a toujours existé. Dans la Chine antique, les cités étaient placées sous la surveillance de fonctionnaires de police. Je voudrais aller très vite. Au moyen âge, on voit apparaître en France les chevaliers du guet, qui sont un peu l’ancêtre de cette police bourgeoise que l’on voit apparaître plus tard, avec le Guet bourgeois qui complétait le guet royal. Le plus important est de noter que ce sont dans les périodes de libération, ou en tous cas de révolution (où les plus actifs ont le sentiment de se libérer et de libérer les autres), que la fonction policière devient de plus en plus lourde et de plus en plus prégnante sur les populations. Par exemple, sous la révolution française, un des premiers soins du Comité de salut public, en 1793, qui ne voulait pas se laisser manger la laine sur le dos par le Comité de surveillance général, a été d’instituer des mouchards dans tous les quartiers et de créer la fonction de concierge. C’est une fonction extrêmement importante, parce que la concierge supplée à la police dans tous les quartiers. C’est ce qui a été mis en oeuvre de manière exemplaire dans la Russie stalinienne, où toutes les concierges étaient des auxiliaires de la police. En France, c’est une pratique qui s’est un peu perdue, dans la mesure où les concierges ont laissé la place aux gardiens d’immeubles, mais jusque dans les années 50, le policier était toujours marié avec une concierge. Cela lui permettait, d’une part de ne pas payer de loyer (ce qui est important, parce que les policiers étaient moins bien payés que maintenant), et d’autre part, la concierge pouvait donner à son policier d’époux un certain nombre de renseignements importants sur ce qui se passait dans le proche environnement. La révolution française, mais surtout après la révolution thermidorienne (après la chute de Robespière), a vu se mettre en place un système policier tout à fait comparable à ce qu’il est maintenant, avec le modernisme en moins ».
Maurice Rajfus La police et la peine de mort, 1977-2001:196 morts, L’Esprit Frappeur, La peine de mort a été abolie le 14 octobre 1981. Pourtant, dans nos banlieues, depuis près de vingt ans, certains policiers n’ont jamais pu se résoudre à abandonner la pratique du tir sur cible vivante. Les balles arrivent facilement à la nuque ou dans le dos, plutôt que dans les pneus ou dans les jambes. Il ressort de ce recensement (non exhaustif), résultat d’un quart de siècle de dépouillement de la presse par Maurice Rajfus, que les victimes sont jeunes (moins de vingt ans de moyenne d’age) et majoritairement d’origine maghrébine. L’auteur fait ce cruel état des lieux et s’interroge à bon droit sur une hécatombe qui ne fait que renforcer la haine des jeunes envers une institution policière qui établit sa propre loi. 105 x 170 mm - ISBN : 2844051871 - Réf.EF108 Prix : 3 € -