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Le fils de l’opposant tchadien Yorongar raconte « l’enfer » vécu par son père

Rokoulmian Yorongar Le Moiban raconte les terribles conditions de détention de son père

LyonCapitale.fr

Ngarlejy Yorongar est finalement arrivé à Paris ce jeudi 6 mars pour subir des examens médicaux après 20 jours passés dans une prison secrète près de la capitale tchadienne.

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Mots clés (Tags): colonialisme Journaux - Revues Tchad Vidéo

Le principal et historique opposant au régime du dictateur tchadien soutenu par la France, Idriss Déby, avait disparu depuis le 3 février dernier, lors de l’attaque des rebelles contre le régime présidentiel (discrètement repoussée par l’intervention des forces françaises).

Son fils aîné de 36 ans, Rokoulmian Yorongar Le Moiban, qui a fui son pays il y a 5 ans, aujourd’hui membre du conseil d’administration de l’association Survie Rhône, raconte à Lyon Capitale, les terribles conditions de détention de son père qui, selon ses termes, a vécu « l’enfer ».

Si la vidéo ne se lance pas, regardez-la directement sur le site de Lyon Capitale

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A retenir :

L’armée tchadienne a bien essayé d’assassiner Yorongar, lorsqu’ils l’ont "relaché" en pleine nuit, dans un cimetière. Des balles ont été tirées qui l’ont heureusement manqué.

Totalement en déliquescence, la dictature tchadienne de Déby ne se maintient par la force et contre le peuple tchadien que grâce au soutien militaire français. Comme le répète Sarkozy, la Françafrique, c’est fini...


Il avait publié, dans Billets d’Afrique, la lettre d’information de Survie, le texte suivant en 2006 :

Au secours le Tchad s’enfonce !

« Peut-on encore sauver le Tchad ? » s’interrogeait feu Ngagbé Kosnaye dans son livre paru en janvier 1984 chez Karthala.

Neuf mois après, en sa qualité de chef d’état major général des armées sous le régime d’Hissène Habré, Idriss Deby mettra le feu au sud du pays : c’était le septembre noir, carnage sans précédent dont se souviennent les tchadiens de tout bord. Le 1er avril 1989 avec ses cousins et complices Hassan Djamous et Brahim Itno, Idriss Deby Itno tente de mettre fin au règne dictatorial de Hissène Habré. L’action du 1er avril va échouer, et des trois chefs, seul Idriss Deby Itno réussi à atteindre le Darfour soudanais. Le premier décembre 1990 lorsque Idriss Déby Itno, à la tête d’une colonne hétéroclite, avec la bénédiction de la France de même que l’appui logistique du Soudan et de la Libye s’empare du pouvoir en chassant Hissène Habré ; nombreux sont les Tchadiens qui ont cru, avec ce changement, en l’instauration d’une paix durable.

En effet l’homme fort du 1er décembre s’empresse de donner des gages de bonne volonté à la communauté internationale, de même qu’à la population toute entière en proclamant haut et fort qu’il n’apportait "ni or ni argent mais la liberté", comme pour se racheter des atrocités commises sous le règne d’Hissène Habré d’une part et rassurer d’autre part, ses compatriotes comme Ngagbé Kosnaye Michel, que le Tchad peut encore être sauvé.

Cependant, force est de constater 16 ans après que Mr Idriss Déby Itno, n’a tenu aucune de ses promesses. Il n’y a certes ni or, ni argent, moins encore la liberté et la démocratie - deux valeurs pour lesquelles, semble-t-il, il a été obligé à prendre les armes. N’est-ce pas que la devise de son Mouvement Patriotique du Salut (MPS), est « Mourir pour le salut » ? Mais de quel salut s’agit-il. Seize après la prise du pouvoir par le MPS, le Tchad est loin de sortir du cercle vicieux de la violence, de l’insécurité, de la corruption, de l’injustice, bref de la mauvaise gouvernance endémique, avec un clan qui s’accapare toutes les richesses du pays, laissant l’écrasante majorité de la population croupir dans la pauvreté - que disons-nous -, dans la misère la plus totale. Idriss Deby Itno seize ans après : quel bilan et que peut-on attendre de cet homme qui, malgré l’opposition des partis politiques, de la société civile et de certains partenaires extérieurs, s’obstine à briguer un troisième mandat - avec la bénédiction de la France - ?

Le seul élément qu’on pourrait mettre à son actif est l’effectivité de l’exploitation du pétrole tchadien. Là aussi, l’actif n’est pas exempt de critique. Négociés par des amateurs véreux et pour la plupart proches du clan, le pétrole tchadien a été selon plusieurs observateurs bradés. Pire : des 399 millions de dollars généréspar la vente de 134 millions de barils (jusqu’au 31 décembre 2005, d’après la Banque Mondiale), plus de la moitié s’est volatilisée, pour ne pas dire a été utilisée pour l’achat des armes, alors que cet argent devrait être employé dans les secteurs prioritaires de développement. Pour justifier cette violation des accords signés avec la banque mondiale, Idriss Deby Itno disait à qui veut l’entendre « qui veut la paix prépare la guerre ».

Et le passif est bien lourd. De la Conférence Nationale Souveraine ( ?) jusqu’au référendum portant modification de la Constitution, en passant par les accords de paix, les états généraux de l’éducation, de la justice, et de l’armée, des grands rendez-vous que les tchadiens se sont donnés sous le régime de Idriss Deby Itno, n’ont été que des moments d’échecs, de déceptions et des dépenses. Que peut-on attendre d’une assise dès lors que le choix des participants doit répondre aux critères posés par le Prince et que les résultats des travaux doivent être soumis à son approbation ? Des accords de paix on en garde que des mauvais souvenirs. Abbas Koty, Loaukein Bardé, Ketté Nodji Moise et bien d’autres qui ont osé prendre la main tendue du Président « démocratiquement élu », ne sont plus de ce monde.

Idriss Deby Itno s’était engagé à remettre l’administration en marche et assurer la bonne gouvernance avec la fameuse formule « la kermesse du désordre est terminée », le 08 aout 2001, lors de son investiture. Là encore nous devons déchanter. L’administration est gangrénée d’analphabètes jusqu’aux plus hautes sphères de l’Etat. La corruption s’est généralisée, la douane est sous la coupe réglée de la famille Itno et le trésor public confondu aux comptes du chef de l’Etat. Ce ne sont pas les différents ministres de l’économie et des finances depuis 16 ans qui démentirons.

L’éducation nationale et supérieure redéfini par Tom Erdimi reflètent également tous les maux de la société. Au Tchad on forme des enseignants, médecins, administrateurs, juristes etc. au prorata du bon vouloir de ceux qui nous gouvernent, les listes des admissions aux concours sont préétablis à la Présidence où l’on place les membres de la famille, puis vient le tour de ceux qui gravitent autour du président ainsi de suite, finalement il ne reste que les miettes pour la grande majorité, pauvre, studieuse et silencieuse.

L’armée n’est nationale que de nom. Elle est en réalité une armée clanique au seul service du prince. Elle forme une pyramide renversée ou il y a plus d’officiers supérieurs que d’hommes de rang afin de récompenser les cousins et autres sous-fifres.

La justice, pierre angulaire d’une société démocratique et gage de l’Etat de droit, chancèle au point qu’on parle de la « balance qui balance ». Certains magistrats sont choisis en fonction de leur appartenance politique, d’autres menacés ou confrontés aux réalités quotidiennes cèdent facilement à la corruption. Le premier d’entre eux, Idriss Deby Itno lui-même, s’est déclaré peiné par la situation lors des états généraux de la justice. Et pourtant, devrait lui répliquer le président du Syndicat des magistrats, Monsieur Abdoulaye Cheick, vous avez « distribué des billets des banques et des véhicules aux magistrats de la Cour d’appel de Ndjaména, pour valider les élections de 1996 ». Que peut espérer le citoyen lambda d’une telle justice ?

Au Tchad les consultations électorales se suivent et se ressemblent au gré des tripatouillages constitutionnels de même qu’à la volonté d’Idriss Deby Itno de s’accrocher coûte que coûte et vaille que vaille à la tête de l’état ad vitae aeternam. Il déclare à Jaques Chirac, en visite de travail à Ndjaména en septembre 2002, la main sur le cœur, de respecter la Constitution en ne se présentant pas aux prochaines échéances. Trois ans plus tard il change d’avis et imite la plupart de ses pairs de la Francafrique en la révisant. Là aussi, la bénédiction de la France n’a pas fait défaut.

En effet présente au Tchad depuis plusieurs décennies la France, pour ses intérêts géostratégiques, n’a cessé d’apporter son soutien diplomatique, militaire et politique au régime d’Idriss Déby Itno.

Le Tchad, pour les anciens de la Coloniale et de certain milieu gaulliste, représente le point de départ de la fameuse division Leclerc qui s’illustra fort bien durant la libération de la France. Ils considèrent le Tchad comme une ligne Maginot censée empêcher ces anciennes colonies du centre et de l’ouest africain de tomber sous le joug américain, voir arabo-islamiste. C’est dire que l’intervention militaire française au Tchad ne date pas d’aujourd’hui. En effet, l’accord de coopération militaire entre le Tchad et la France, signé en 1976, permet à la France de disposer d’une importante base militaire à Ndjaména. On compte à nos jours environ 1200 soldats français. L’apport de cette présence militaire a été déterminant dans l’échec du coup de force des rebelles du FUC du 13 avril dernier.

Il convient de rappeler qu’en 1990, la France n’avait pas juger utile de répondre aux sollicitations d’Hissène Habré quant à l’application de ces accords afin de repousser le rebelle qu’était à l’époque Idriss Déby Itno. Deux poids, deux mesures.

Fort de ce soutien de la France, Idriss Deby Itno prétend s’ériger en véritable parrain de la sous-région et joue au pyromane chez ses voisins. Après l’envoie de troupes au Rwanda (opération Turquoise) et en République démocratique du Congo, il s’est illustré au Congo aux cotés de Denis Sassou Nguesso en 1997, chasse Ange Félix Patassé et installe à sa place François Bozizé à la tête de l’Etat centrafricain en 2003 avant de se retourner contre son grand voisin le Soudan. Là, il a dû faire face à une farouche résistance. La crise actuelle que traverse le Darfour avec ses milliers de morts, déplacés et refugiés, trouve en partie ses sources à la présidence de la république à Ndjaména.

Il convient de rappeler que c’est du même Darfour soudanais, qu’Idriss Déby Itno a entamé sa marche sur Ndjaména en 1990, qu’est venu la tempête qui a failli l’emporter.

Aujourd’hui, les adversaires d’Idriss Deby Itno ne sont plus ces fidèles insatisfaits du partage du gâteau tels que Tom et Timane Erdimi, l’ancien ambassadeur du Tchad aux Etats-Unis Soubiane Hassaballah alias Bavure, ni même ses quatre adversaires choisis pour l’accompagner à l’élection le 03 mai 2006 (Kassiré Koumakoye, Albert Pahimi Padake, Mahamat Abdoulaye et Ibrahim Koulamallah, tous membres ou ayant des représentants dans l’actuel gouvernement), mais, le peuple Tchadien dans son ensemble. Ces millions d’hommes et de femmes violées, meurtri, trahis, affamés, révoltés, mais dociles, qui se résignent à suivre le mot d’ordre de la société civile en boycottant l’élection présidentielle. En effet, contrairement aux usages, la campagne n’a suscité aucun engouement, l’insécurité est tel dans le pays que les différents candidats à l’élection présidentielle, y compris Idriss Déby Itno ne s’aventurent pas en dehors de la capitale.

En toute évidence, le décor est planté pour un règne sans fin d’Idriss Deby Itno. L’appel à un dialogue de tous les Tchadiens lancés par la société civile et repris par la plupart des acteurs politiques de même qu’une partie de la communauté internationale semble inaudible aux oreilles de Déby et de la France. Aujourd’hui plus que jamais le Tchad est dans un bourbier et s’enfonce davantage. Peut-on encore le sauver ? La question est plus qu’actuelle. Les Tchadiens et toute la communauté internationale doivent se mobiliser pour éviter une explosion de la sous-région comparable à la crise des Grands Lacs. En tout cas, nous avons des raisons évidentes de nous inquiéter, sans être pessimistes. Il appartient donc à la France présente au Tchad depuis plusieurs décennies de revoir sa politique et d’œuvrer pour une paix durable dans ce pays qui, pour mémoire est l’un des premiers à répondre présent à l’appel du 18 juin. Nous nous souvenons encore du serment de Koufra.

Rokoulmian Yorongar Le Moiban et Evariste Nodjioutengar Djimasde, le 2 mai 2006.

Retrouvez la publication mensuelle de survie, Billets d’Afrique et d’ailleurs, sur billetsdafrique.info

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On peut lire dans le numéro du mois de Mars 2008 :

Le déshonneur de la France au Tchad

Quand Rama Yadé, dans un élan d’indignation, s’est exclamée à la tribune de l’Assemblée nationale que « L’Afrique de papa c’est fini ! », nous étions loin d’imaginer que cela signifiait le pire, c’est-à-dire que l’Afrique de grand-papa était de retour, celle du mépris des Africains, affiché sans états d’âme. Celle de papa c’était un mépris honteux et dissimulé. Foin de ces chichis avec Sarkozy. On en a eu un avant-goût avec le discours de Dakar, on en a en ce moment une confirmation scandaleusement éclatante avec la conduite de la France au Tchad.

Le Tchad, c’est d’abord une forteresse militaire française en plein cœur de l’Afrique. Le régime tchadien, sous tous ses présidents successifs, de Tombalbaye à Idriss Déby, a été soutenu militairement. Tous ces présidents se sont distingués par leur férocité à l’égard des Tchadiens qui osaient s’opposer à leur tyrannie. De l’assassinat de Outel Bono en France, signé de pros des services spéciaux, jusqu’aux crimes contre l’humanité qui ont valu à Hissène Habré d’être aujourd’hui traduit devant le Tribunal pénal international, le pouvoir français n’a jamais eu honte de ses choix, quel qu’en soit le prix pour les Tchadiens.

L’indéfectible soutien apporté à Idriss Déby, adjoint de Hissène Habré avant d’en être le tombeur, porte à son comble une politique de régression. Aucune considération du respect des Droits de l’homme, encore moins des droits civils et politiques des Tchadiens n’a jamais influencé la politique française, pour qui, à la lettre, les Tchadiens n’existent pas. Seul existe un pouvoir tchadien paravent de la puissance militaire française.

Un tel pouvoir est régulièrement contesté par des rébellions. La dernière offensive contre la capitale N’Ddjamena l’aurait emporté sans l’appui français, symbolisé par l’occupation de l’aéroport de N’Ddjamena. Quand les combats ont fait rage dans la ville, la préoccupation unique du gouvernement français, exprimée par Hervé Morin, ministre de la Défense, a été l’évacuation des Français et Européens, dans la plus pure tradition coloniale. Pas un mot pour ne serait-ce que compatir au sort de la population locale. Rien pour protéger les habitants qui ont fui en masse, rien sur le nombre des victimes civiles, détail futile.

Enfin quand, au repli des rebelles, la soldatesque de Déby a pu se déchaîner sur la population civile, la réaction française a été déshonorante puisque Hervé Morin encore, aux nouvelles alarmantes sur la disparition de leaders de la société civile a répliqué qu’on verrait plus tard. Le pouvoir français s’est contenté de demander des « clarifications ». A la grande honte de la France, l’Union européenne demandait, elle, la libération immédiate des leaders disparus, tandis que l’Autriche, qui doit fournir quelques centaines de soldats pour l’Eufor, déclarait la présence de ses soldats incompatible avec ces disparitions.

Pendant cette tragédie humaine frappant les Tchadiens, Rama Yadé, apparemment devenue aphone après ses éclats de voix contre Kadhafi , a disparu des écrans. Quant à l’homme du « droit d’ingérence », après s’être tu il a fini dans l’ignoble en avalisant les mensonges répandus sur la disparition des opposants. Hervé Morin, tout sourire, serrait la main d’un Idriss Déby triomphant, qui désignait les opposants arrêtés comme des « prisonniers de guerre ». Enfin l’escale de Sarkozy a N’Djamena, avec photos, sourires et poignées de main à un Déby qui a répété « ne pas savoir » ce qui a bien pu arriver aux opposants disparus, porte à son comble la bassesse politicienne. On se demande quelle leçon de « Droits de l’homme » ces gens-là auront encore le front de donner, et à qui ?

Odile Tobner - Mars 2008