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Monsieur le Juge...

« Un génocide dans ces pays là, ce n’est pas trop important »

Par Yolande Mukagasana

« Un génocide dans ces pays là, ce n’est pas trop important » a dit un président de la république...

Tout le monde a compris sauf les africains noirs. C’est décevant. L’élément déclencheur du génocide ? Qui est fou ou bête pour ne pas comprendre que cela ne tient pas debout ? Le génocide avait bien été planifié et n’avait pas besoin d’un élément déclencheur. J’ai passé la journée du 6 avril 1994 à soigner les blessés du génocide. Mais je n’ai pas réalisé que cela arrivera à ma famille et à moi.

Yolande Mukagasana Mis en ligne par iso
Mots clés (Tags): Rwanda

Le fameux juge antiterroriste est plutôt l’outil de la Françafrique. Qui peut penser le contraire ? Monsieur le Juge, lorsqu’en 1959, je vois et vis les premiers massacres de tutsi, quel avion avait été descendu. Habyarimana ? De 1963 à 1964, lorsque mon mari devint orphelin car toute sa famille venait d’être exterminé, alors qu’il n’avait que 13 ans, quel avion avait été descendu ? Habyarimana encore ?

En 1973, lorsque plusieurs parmi nous ont été chassés des écoles, d’autres tués et que les survivants ont du quitter le pays, l’avion de Habyarimana avait été abattu ?

En 1990, tous les morts d’Umutara, nous, ailleurs dans le pays, avons été jetés en prison comme des rats dans des pièges, l’avion de Habyarimana avait été abattu ?

Mes enfants ont été amenés au service de renseignements, une cellule réservée à la torture que nous appelions communément le service de criminologie, ils ont été torturé en même temps que nous, leurs parents, le plus grand avait 11 ans. L’avion du président chéri de la France avait- il été abattu ?

En 1992, ; lorsque le pouvoir a fait un essai de génocide dans le Bugesera et surtout à Nyamata et que l’Italienne Antonia Loccateli fut abattu pour avoir essayé d’appeler le monde au secours pour ces tueries des Tutsi, l’avion de Habyarimana avait-il été abattu ?

La liste est longue, je ne veux pas continuer. Arrêtez votre torture. La France a tué complètement les nôtres ; les survivants, nous sommes une honte pour les génocidaires dont la France et le juge est envoyé pour nous tuer à petit feu. A qui pensez-vous faire peur ?

Monsieur le juge, j’espère que vous n’avez pas d’enfants car si vous en avez, ils seront vos propres juges. Si vous les avez élevé dans la lâcheté, ce sont leurs enfants qui vous jugerons tous ensemble. Mes enfants ont été tués par les gens comme vous, si vous n’arrêtez pas, ce ne sont plus les miens mais les vôtres que vous tuez. Moi je n’ai plus rien à tuer, vous les avez achevés.

La France porte et portera toujours une responsabilité dans le génocide des Tutsi du Rwanda. Je l’ai vu et vécu dans ma chaire et je le vis au quotidien. La France m’a tuée et ne désarme pas. Elle continue. Heureusement qu’il y a le peuple français pour m’aider à lutter contre la Françafrique, la France politique criminelle en Afrique noire.

Monsieur le grand juge, votre témoins clé Ruzibiza dit lui même qu’il fait parti des commandos qui ont tiré sur l’avion de votre président chéri. Vous avez déjà un premier coupable. Voulez-vous nous expliquer pourquoi vous ne l’arrêtez pas ?

Monsieur le Grand juge, si votre mémoire ne vous trahit pas, vous savez comme moi que le télévision France 2 nous a montré « la boîte noire » de l’avion de votre Habyarimana, présenté par le capitaine Barril. Pouvez-vous nous dire d’où est sorti ce capitaine puisqu’il n’était pas au Rwanda et qu’il était sensé ne plus y avoir aucun militaire français sur le sol Rwandais selon les accords de Paix d’Arusha ? Si vous avez oublié, nous sommes encore là pour vous le rappeler. Nous nous souvenons de tous les détails. Nous n’avons pas tous péri. Même sur la colline de Massaka, il y a eu des survivants malgré la France. Ils ne parleront qu’au besoin.

Monsieur Paul Quilles m’a dit que jamais la France ne viendra s’agenouiller au Rwanda. Je le sais. Je sais que la France ne fait qu’enfoncer son peuple dans la responsabilité du crime qu’elle a fait en son nom. Si je vis, si je témoigne, c’est aussi pour les générations françaises qui ne sont pas responsables de la mort de mes enfants. J’invite le peuple français à s’unir à moi pour sauver ses générations. Je sais que la France est capable de tout. Je sais que la France a armé nos frères et qu’ils sont venus nous exterminer, comme elle fait partout en Afrique noire. C’est une habitude impunie de la France. Je sais que la France est pas infatigable dans les crimes en Afrique. La France dans ses crimes sur l’Afrique est comme la mort qui ne prend jamais de congé ni de vacances

Le Front Patriotique du Général Kagame a arrêté le génocide et j’ai pu survivre. Le monde entier assistait à la mort des Tutsi en direct sur ses télévisions. Personne n’a levé son petit doigt. Je ne dirai jamais assez merci à Kagame et à son Front patriotique. Et mon merci est petit par rapport à ce que j’ai sur le cœur. Si seulement ma bouche pouvait prononcer tout ce que ressent mon cœur. . Ce Kagame que vous portez au bout de votre arme, nous le portons dans nos cœurs de mères, il vous survivra encore une fois. Notre Kagame est la dignité pour l’Afrique noire que vous saignez sans pitié ni scrupule, notre amour le protégera. Vous vous trompez, il n’est pas aimé que des Rwandais, mais de l’Afrique noire entière en quête de sa dignité. Et puis même si vous parvenez à le faire subir ce qui vous empêche de dormir, il moura comme un homme digne et de bien. Pas comme un chien que vous traitez comme bon vous semble.

Mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose. Vous avez respecté votre principe, mais, moi personnellement ; je sais qu’il n’en reste plus rien que d’abattre Kagame à bout portant car il ne vous reste aucun argument. Vous vous êtes mis à poil devant le monde. Kagame vous a fait pété un plomb, tellement vous le détestez. Il est votre cancer. Protégez votre santé et laissez-le vivre l’espérance de vie de l’Africain, il n’est pas long. N’est ce pas plus sage et humain ? Votre pays a été impliqué au plus haut niveau dans notre génocide et vous tentez désespérément d’étouffer la vérité. Perdez votre temps car il est trop tard. Le monde est a courant. Laissez-moi vous dire ce que je pense car moi vous m’avez tué en 1994 et je n’ai plus rien d’intéressant à tuer. Même la souffrance, elle me fait sourire car je m’en suis faite une amie.

Monsieur le très grand juge, j’ai oui dire que vous vous intéressez à une place politique. Tôt ou tard vous rendrez des comptes au peuple français sur ce que le France a fait au Rwanda en son nom et que vous avez fait le choix de cautionner. En fait, Ruzibiza et vous, vous êtes des frères malgré la couleur. Vous préférez remplir l’estomac, avoir des honneurs pour quelques secondes en enterrant votre dignité. Vive votre amitié.

Plus d’une année avant le Génocide encore une fois sur France 2, Jean Carbonnare, Président de l’époque de l’association Survie a appelé le monde et en particulier la France contre une épuration ethnique au Rwanda et a mis en garde la France dans ses actes de soutien au pouvoir génocidaire. Pauvre homme de cœur, il ne se rendait pas compte que ce n’était pas une erreur de la France, mais bel et bien un choix politique.

Monsieur, vous, le meilleur juge de la France entière, lorsque le Président Kagame, a été invité officiellement en France, alors qu’il était encore dans la rébellion, vous souvenez vous de ce qu’un monsieur lui a dit ? « Même si tu parvenais à prendre Kigali, tu ne trouverais aucun de tiens en vie » Comment il savait ? N’était-il pas des services de renseignements du président Mittérand ? Je peux me tromper sur ses fonctions, mais il était très proche de la présidence mittérandienne.

Nous, les rescapés du génocide des Tutsi, sommes devenus pour la France, un outil de chantage pour le Président Kagame. Une monnaie d’échange. Même pendant le génocide, nous étions toujours la monnaie d’échange. Nous étions tout ce que la France voulait, jamais nous n’avons été des humains pour la France et nous ne le serons jamais car la France est sans regret. Nous avons toujours été des boucs émissaires et la France ne veut toujours pas nous laisser vivre en humains. Le pays des Droits de l’homme ? L’outil et l’épouventail sur de pays africains noirs comme le Rwanda. Je n’ai vécu que le terrorisme depuis l’âge de cinq ans jusqu’aujourd’hui, le grand juge et son pays protègent mes terroristes. Hier ceux qui étaient victimes, la France les transforme en bourreaux avec un coup de baguette magique du Grand juge Bruguière.

Quand est-ce que la communauté internationale nous laissera nous reconstruire ? Cette dernière est aussi responsable de ce que fait ce juge car elle le laisse faire. Si le génocide des tutsi du Rwanda est reconnu comme tel, comment la communauté internationale nous refuse une reconstruction en laissant une liberté pareille à nos criminels ? C’est encore un choix de nous laisser mourir à petit feu ? Nous vous dérangeons, nous vous faisons honte car nous vous rappelons votre abandon ? C’est la raison pour laquelle vous laissez la France nous torturer ? Arrêtez de dire que les USA gouvernent le monde car mon monde a moi est dirigée par la France criminelle qui ne veut pas encore m’achever.

Vive le Président Kagame. Vive le Front Patriotique Rwandais, sans eux, le pouvoir génocidaire dont fait parti prenante la France aurait gagné la guerre et je n’aurais plus jamais pu prononcer les noms de mes enfants car c’est tout ce qui me reste. Dire comment ils s’appelaient, prononcer leurs noms le matin lorsque je me réveille pour me donner le courage de mettre un pied devant l’autre. Sans Kagame et le FPR, la vie aurait continué comme si nous n’avions pas existé, nous serions une légende aujourd’hui, mais c’est ce que la France continue d’espérer pour ses protégés, les génocidaires.

J’aurais aimé suivre votre logique Monsieur le juge. Me dire que jamais le génocide des Tutsi n’a eu lieu. Fermer les yeux et me dire que j’ai fait un cauchemar. Hélas, je ne peux pas échapper à cette réalité. Arrêtez d’enlever le cœur aux enfants de l’humanité, s’il vous plaît. On voit que vous n’en avez pas, mais les générations des humains ne doivent pas vous ressembler.

La faiblesse est source de passivité, si j’existais je porterais plainte contre vous. En attendant j’ai fini de faire des héritiers et un jour vos générations devront répondre aux miennes si vous êtes un père indigne qui lègue à ses enfants les problèmes qu’il n’a pas pu résoudre.

Monsieur le Juge, j’aimerais savoir ce que vous dites vous à vos enfants maintenant à l’occasion de la fin de l’année et des fêtes de Noël ?

Africains,

Nous Rwandais, avons touché le fond. Plus profond que là où nous avons touché, ça n’existe pas, il ne nous reste qu’à bondir et revenir à la surface. Si vous ne voulez pas en arriver là, la solidarité à notre cause est plus que nécessaire. Il est temps d’arracher notre liberté. Il est temps de résister à ceux qui viennent nous armer pour poignarder nos frères. Ceux qui ont assassiné mes enfants ne sont pas mieux que moi. Je les ai vus, je les ai écoutés. Ils seront toujours devant le dernier regard de mes enfants qui les poursuivra toute leur vie et leurs enfants seront mal à l’aise devant ceux les enfants d’autres victimes comme moi. Luttons pour notre dignité car la dignité des Rwandais est aussi la vôtre.

Mes larmes suffisent et j’en verse encore pour les mamans africaines. J’en verse pour l’Afrique noire et je crois que je ne suis pas à la fin de mon calvaire.

Venez et portons plainte contre la France, mais n’oublions pas que nous portons plainte contre celui qui va être le prévenu et le juge à la fois. Entre deux maux, nous devons choisir le moindre, c’est une façon de montrer que nous avons compris et que l’Afrique d’hier n’est pas celle d’aujourd’hui. Ce qui s’est passé au Rwanda est aux portes de tout pays d’Afrique noire, surtout là où il y a des intérêts français.

Yolande Mukagasana

Bruxelles, le 6 décembre 2006

Yolande Mukagasana est née au Rwanda en 1954. Elle a été infirmière-anesthésiste pendant dix-neuf ans au centre hospitalier de Kigali, puis infirmière en chef d’un dispensaire privé qu’elle avait ouvert à Kigali, jusqu’en 1994. Victime des massacres qui dévastèrent alors son pays, elle survécut toutefois au génocide des Tutsi — et des Hutu ayant refusé l’idéologie qui y présida — mais perdit ses trois enfants, son mari, son frère et ses sœurs. Réfugiée en Belgique, elle a été naturalisée en 1999. Actuellement (2003) elle a adopté trois de ses nièces orphelines et elle s’occupe d’une vingtaine d’orphelins au Rwanda. Elle a publié deux ouvrages autobiographiques et des contes . Elle a également coécrit, avec le Groupov, la pièce de théâtre Rwanda 94.

Ouvrages publiés :

- La mort ne veut pas de moi. [Avec Patrick May]. Paris : Fixot, 1997 (268p.). ISBN 2 221 08593 0. Autobiographie.

- N’aie pas peur de savoir - Rwanda : une rescapée tutsi raconte. Paris : J’ai lu, 1999. (350p.). ISBN 2 290 30063 2. Autobiographie.

- Les Blessures du silence. Témoignages du génocide au Rwanda. [Avec des photographies d’Alain Kazinierakis] Arles : Actes Sud et Médecins sans frontières, 2001. (160p.). ISBN 2 7427 3563 1. Témoignages.

- De bouche à oreille Paris : Editions Menaibuc, 2003. 2 vol. (Tome I : 92p. et Tome II : 82p.). ISBN : 2-911372-36-0 & 2-911372-37-9. Recueils de contes.



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