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Goutte d’Or

Violences policières dans le 18e

"on voit bien que vous ne vous êtes jamais fait tabasser"...

Mardi 3 mars 2008, un peu avant 22 heures, je sors du restaurant l’Olympic Café alerté par d’autres clients du lieu de l’arrivée de nombreux véhicules de police qui stationnent rue Léon, en face du restaurant. Je pense d’abord à un accident. M’approchant de l’attroupement, je constate qu’il s’agit d’une opération de Police.

Le témoignage de Pierre (Reg@rds Croisés) Mis en ligne par Bruno
Mots clés (Tags): Drogues Police Racisme

De nombreux jeunes sont menottés, les bras dans le dos, debout face aux mûrs de la rue Léon (au niveau des cafés-restaurants Le Panama et Les Trois frères ) et du début de la rue Panama, attenante. Je m’écarte alors un peu de la foule et j’observe la scène, à distance. J’allume une cigarette. Je vois ce que je pense être un journaliste [1] prendre de nombreuses photos, à proximité des policiers. Je sors alors de ma poche mon appareil photo numérique et je décide de prendre quelques clichés de la scène…

• Une arrestation musclée

Un individu s’approche alors de moi. Il marche vite, semble irrité. Lorsqu’il arrive à mon niveau, il essaie de se saisir de mon appareil photo en me disant agressivement « donne-moi ça ». Je recule d’un mètre en lui disant : « vous pourriez me parler autrement ». Je me rends alors compte qu’il s’agit d’un agent des forces de l’ordre. Il a un talkie-walkie à la main.

J’ai à peine le temps de finir ma phrase que je me trouve plaqué sur la grille du magasin, à plus d’un mètre cinquante derrière moi (au niveau du 2 de la rue Panama). Une vraie charge de joueur de rugby. La personne qui m’empoigne brutalement est donc un policier, bien qu’il ne l’ait jusque-là pas signalé et qu’il ne porte aucun signe qui aurait pu le laisser penser, comme peut en témoigner la dernière photo que j’ai prise. Il semble très excité, énervé, a les joues très rouges. Sans doute est-ce dû au froid… Il essaie de nouveau de m’arracher l’appareil photo, tout en continuant à me plaquer brutalement contre la grille métallique du magasin et à me crier dessus de façon très grossière. Son coude appuie très douloureusement sur mes côtes, côté droit.

Je ne fais rien pour me dégager. J’essaie de le calmer. Je lui parle, lui disant que « je ne fais rien de mal », qu’il ne doit pas « s’énerver ainsi après moi », « passer ainsi ses nerfs sur moi ». Un policier en tenue s’approche alors de moi, sur ma droite, suivi d’autres de ses collègues. J’essaie de lui donner mon appareil photo, tendant mon bras sur ma droite, pour qu’il s’en saisisse. « Je vous le donne, Monsieur, prenez-le », lui dis-je alors. « Je vous le donne à vous, votre collègue va le casser, j’en suis sûr, il est trop énervé ». J’essaie comme je peux de lui tendre l’appareil, alors que je suis toujours brutalement plaqué dos au mur. La pression sur ma poitrine va s’amplifiant. C’est extrêmement douloureux. « Tenez, prenez-le » répétè-je. L’autre policier, tout en continuant de m’écraser contre la grille métallique, m’empêche de donner l’appareil à son collègue, retenant mon bras. Il tente une nouvelle fois de s’en saisir. D’autres policiers commencent alors à m’agripper et je me retrouve soudain brutalement projeté au sol, entre le trottoir et la rue, dans le caniveau. Des policiers ont leurs genoux sur mon dos. Des menottes me sont passées. Le policier auquel je tendais mon appareil photo arrive finalement à s’en saisir. Ils me redressent et me dirigent vers la fourgonnette dans laquelle je suis poussé sans ménagement.

La scène s’est passée très vite, j’ai à peine eu le temps de réagir et de comprendre ce qui m’arrivait. À aucun moment il ne m’a été demandé de m’identifier. J’ai été la victime passive de la brutalité d’un policier qui semblait être dans un état second, extrêmement énervé, plus du tout maître de lui alors que rien dans mon comportement ne pouvait justifier cette arrestation musclée, rien ne pouvait l’inciter à me rudoyer de la sorte ni à s’acharner aussi sauvagement contre moi.

De nombreux témoins pourront confirmer les faits que je viens de vous décrire.

Je tiens ici à vous faire part de la suite des événements.

• La « fourgonnette »

Une fois dans la fourgonnette, je me retrouve seul avec une jeune femme, en tenue de police. Elle me fouille, me vide les poches, palpe mon pantalon, de la taille jusqu’aux chaussures, passe ses mains sous ma veste, en fouille les poches et me demande si j’ai de la drogue sur moi. Je réponds par la négative. Elle me demande si je me drogue. Je réponds également par la négative. J’essaie de m’expliquer : je lui dis que je sors tout juste du restaurant d’en face, qu’on vient de me battre sans raisons, parce que j’ai pris une photo. Je lui dis que je pensais avoir le droit de prendre des images dans un espace public et que si ce n’est pas le cas, il y a des façons moins barbares de le faire savoir. Je proteste, indigné par ce qui vient de se passer : « Vous n’avez pas le droit de brutaliser ainsi, sans raison, vos concitoyens ». Lorsque je dis à cette femme policier que je viens de me faire tabasser gratuitement par l’un de ses collègues et que c’est inacceptable, je me vois rétorqué un : « allons, allons, on voit bien que vous ne vous êtes jamais fait tabasser ». En effet, jusqu’à ce jour… Et loin de moi l’idée, un quart d’heure auparavant, de me voir être tabassé par des représentants de l’Etat…

J’entends alors à l’extérieur un policier crier : « on embarque tous ceux qui prennent des photos ».

Quelques secondes après ma fouille, une autre personne est poussée dans le fourgon. J’apprendrais par la suite qu’il se prénomme Pierre, et que lui aussi prenait des photos. La jeune policière demande alors à son collègue, le jeune homme qui vient tout juste d’amener cette seconde victime, de procéder sur ce nouvel arrivant à « la fouille ». Elle descend alors du véhicule pour y remonter quelques secondes plus tard. Elle me demande mes papiers. Je lui tends tant bien que mal mon portefeuille, ayant les deux mains menottées dans le dos. Les menottes sont extrêmement serrées, elles me laisseront d’ailleurs des cicatrices que j’ai prises en photo.

D’autres personnes (huit au total, si mes souvenirs sont bons, mais j’avoue ne pas avoir compté) sont conduites au véhicule. À l’extérieur, les personnes avec lesquelles j’avais prévu de dîner s’inquiètent de mon sort. L’une d’elle essaie, sans succès, de me tendre mon bonnet, perdu alors que je me faisais rudoyer. Je réalise alors seulement que j’ai de nombreuses blessures, mon pantalon est déchiré, du sang le tâche au niveau des genoux. J’ai très mal aux côtes, côté droit.

Je réitère à l’endroit de la policière ma demande d’explications sur la brutalité et la cause de mon arrestation. Elle ne m’entend pas. La seconde personne a avoir été conduite dans la fourgon, Pierre donc, me conseille sagement de ne pas insister, de rester calme… Pas facile, dans cette situation et après ce qui vient de m’arriver, mais j’écoute son conseil.

Le camion démarre. Quand un ami essaie de m’apostropher, me demandant si je veux faire prévenir quelqu’un, les policiers assis à côté du conducteur le traitent de « sale gauchiste ». Cette insulte sera plusieurs fois prononcée à l’intention des spectateurs indignés par la scène à laquelle ils ont assisté ainsi que tout le long du trajet jusqu’au commissariat du 18 eme arrondissement, à quelques centaines de mètres de là.

• L’arrivée au commissariat

Nous sommes tous assez rudement descendus du fourgon et conduits dans une salle. On nous demande de nous asseoir sur un banc. Deux d’entre nous, dont je suis, restent debout.

Un jeune homme, assis sur le banc et menotté dans le dos, se voit donner deux coups par ce qui semble être une grosse lampe torche sur la poitrine. Un policier aurait découvert dans le fourgon un morceau de résine de cannabis, qu’il nous exhibe fièrement. « Qui a laissé ça dans le fourgon ? », demande ce policier en uniforme. Il redonne un coup de lampe sur la poitrine du jeune homme [2]. « C’est toi, hein ? ». « De toute façon, si personne ne se dénonce, ce sera toi ! ». Le jeune essaie d’expliquer qu’il n’a rien à voir avec ça, sans succès, le policier répétant : « de toute façon, si personne ne se dénonce, ce sera toi ». Les policiers nous séparent alors en deux groupes : je reste avec Pierre. Je n’ai plus revu les autres personnes arrêtées.

Je discute un peu avec Pierre, très gentil et très calme, puis on nous interdit de parler. Quelques minutes passent puis je suis conduit par le même policier qui m’a brutalisé quelques dizaines de minutes plus tôt au troisième étage. Il me dit qu’il va enregistrer ma déposition. Dans l’escalier, je lui dis qu’il serait judicieux que ce ne soit pas lui qui m’interroge, dans la mesure où il vient juste de me malmener… Je me vois répondre un « c’est comme ça » définitif.

• Un début d’interrogatoire

Je m’assieds à l’invitation du policier dans un petit bureau : une table, un ordinateur sur lequel, en guise de fond d’écran, défilent des images de femmes en lingerie fine, un mini réfrigérateur décoré d’une publicité pour une marque de bière (Desperados), une armoire et un porte manteau sur lequel se trouve plusieurs vestes. On peut aussi voir une page du Parisien affichée sur le mûr, représentant en photo « l’équipe Fillon » (Juppé est barré) ainsi qu’un poster avec des photos de membres de l’ETA, signalés comme « dangereux et potentiellement armés ».

-  « Nom, prénom, profession. »

-  « Bruno G., éditeur et journaliste. »

Le policier me regarde, perplexe. Il ne s’attendait peut-être pas à cette réponse lorsqu’il a fait asseoir le grand métis à la tête parée de dread-locks que je suis dans son bureau. Il réfléchit quelques secondes, puis me demande de me relever et m’invite à redescendre. Étant donné que je boite, séquelles de la brutalité de mon arrestation, je demande cette fois à prendre l’ascenseur, ce qui m’est accordé. Je redescends avec lui et me rassieds sur le banc, dans la salle où j’ai été conduit en arrivant. Quelques policiers s’étonnent de me voir boiter. Mon pantalon est taché de sang, au niveau des genoux.

• L’interrogatoire : deuxième acte...

Une bonne demi-heure se passe avant que je ne sois invité à remonter pour ma déposition. Je réitère ma demande d’être interrogé par un autre policier, ce qui m’est une nouvelle fois refusé. L’interrogatoire a donc cette fois bien lieu.

Le policier me demande tout d’abord (et pour la troisième fois) mes papiers d’identité (après m’avoir été demandé dans le fourgon, ils m’avaient de nouveau été demandés à mon arrivée au commissariat). S’ensuit « l’interrogatoire ». Nationalité, profession, niveau d’étude, « avez-vous un permis de port d’arme ? », « un permis de chasse ou de pêche ? », « êtes-vous connu des services de police »… Aux trois dernières questions ma réponse est négative.

-  Vous vous rendez compte que vous avez été arrêté parce que vous avez refusé de vous identifier ?, commence-t-il par dire.

-  À aucun moment vous ne m’avez demandé de m’identifier dans la rue, et j’ai fourni une preuve de mon identité dans le fourgon dès qu’elle m’a été demandée, répondis-je, sans hésitation.

Commence alors un vrai bras de fer entre moi et le policier pour qu’il note mes déclarations. Chaque fois que je veux lui faire écrire quelque chose, il répond « ça ne s’est pas passé comme ça ». Je dois insister pour chaque mot, chaque virgule. Je ne cesse de répéter « mais c’est ma déclaration ou la vôtre ? » Parfois il finit par écrire ce que je lui dis, d’autre fois, fatigué, déboussolé, douloureusement blessé aux côtes et aux genoux, je finis par céder et il écrit ce qu’il veut…

Il insiste tout particulièrement sur plusieurs points :

Il veut que je lui dise que, dans la rue, lorsqu’il est venu vers moi, je me suis tout de suite rendu compte qu’il était policier et que malgré tout je n’ai pas répondu à ses injonctions. Je lui affirme le contraire, me saisi de mon appareil photo, posé sur la table devant moi, et lui fait remarquer, en lui montrant la dernière photo que j’ai prise (où on le voit venir vers moi), qu’il n’avait sur lui aucun signe pouvant laisser penser qu’il s’agissait d’un policier, et qu’il ne s’est pas présenté comme tel en essayant de se saisir de mon appareil. Il me répond qu’il avait son brassard, ce que la photo dément.

Il me dit que plusieurs policiers sont venus vers moi lorsqu’il a essayé de se saisir de mon appareil photo. Je lui réponds par la négative et lui remontre la même photo, qui le prouve. Il était définitivement bien seul lorsqu’il s’est brutalement jeté sur moi.

Il veut que j’accepte de déclarer que j’ai refusé de remettre mon appareil photo. Je démens alors absolument, lui disant que j’ai tout fait pour le remettre à son collègue et que c’est lui qui m’en a empêché, avant de me projeter brutalement dans le caniveau de la rue Panama. Je lui dis à ce propos qu’il devrait avoir honte de brutaliser de la sorte une personne innocente de tout délit, qu’il devrait avoir honte de son comportement, que si la Police se voit, en démocratie, légitimement accorder le monopole de la violence physique, ce n’est pas pour brutaliser sans motifs les citoyens. Il ne répond pas.

Le recueil de mes déclarations va au final prendre plus d’une heure. Je n’ai absolument pas pu faire enregistrer tout ce que j’avais à dire. Ma version des faits a à chaque fois, systématiquement, été contestée. J’ai parfois réussi à lui faire écrire ce que je pensais du déroulement de mon arrestation arbitraire. Malheureusement, trop souvent, la pression et la fatigue aidant, ainsi que le fait que je n’avais pas mangé de la journée (j’avais eu une journée particulièrement chargée et je n’ai pu que passer commande au restaurant avant d’être brutalement arrêté), j’ai fini par céder et il a pu écrire sa propre interprétation du déroulement de cette arrestation « musclée ».

Revenant sur mon arrestation et me voyant hésitant, parfois imprécis, il finit par mettre en cause ma lucidité et mon degré d’alcoolémie. Je lui réponds que tout s’est passé très vite, qu’en moins de temps qu’il n’en faut pour réaliser quoi que ce soit, je me suis retrouvé brutalement balancé sur la grille métallique d’un magasin, puis sauvagement plaqué au sol et promptement embarqué. Il insiste :

-  Vous étiez dans un bar[3], vous n’étiez pas très lucide… On va vous faire souffler [menaçant].

-  Mais volontiers. Vous pouvez même me faire une prise de sang, si vous voulez. Mais puis-je exiger que vous en subissiez une également ?

-  Ici, c’est la Police qui exige, c’est pas vous. C’est clair !

-  …

Mon but n’est pas ici de diffamer ce policier aux pratiques d’un autre âge rappelant certains faits peu glorieux narrés notamment par Maurice Rajfus… Mais s’il s’est permis de faire peser sur moi le soupçon d’un enivrement ayant altéré mon jugement, accordez-moi que j’en fasse de même, le concernant.

Après plus d’une heure de « déposition », j’ai fini, laminé, exténué, par exiger qu’il note que j’avais été fouillé par une femme, ce que je crois être interdit par la loi. Il s’y est vivement opposé. J’ai dû insister. Il a finalement consenti à noter sur son ordinateur que j’avais été « palpé », je crois, bien que je ne me souvienne pas exactement du terme qu’il a choisi, par une femme.

Lorsqu’il m’a demandé si je voulais aller consulter un médecin pour qu’il puisse constater des nombreuses blessures qu’il m’avait infligées, j’ai décliné son offre. Ça faisait près de trois heures que j’étais, contre ma volonté et sans aucune raison, détenu dans ce commissariat et ma seule envie était bien évidemment d’en sortir. Je ne voulais aucunement terminer cette soirée par une interminable attente dans les services médicaux de l’Hôtel Dieu ou d’un quelconque autre hôpital. Tant pis pour toutes ces blessures, pour mes nombreuses ecchymoses. Et de toute façon, honnêtement, que pouvais-je attendre de cette consultation médicale ?

J’ai malgré ce que je considère comme des vices de forme flagrants, fini par signer la déposition. Il semblait satisfait. Je voulais rentrer chez moi…

••

Je voudrais, pour conclure ce court compte rendu, revenir sur des choses qui me semblent importantes et qui montrent à la fois l’inquiétante dérive des pratiques policières françaises d’aujourd’hui et la nécessité des mobilisations citoyennes indispensables pour contrecarrer l’arbitraire de l’Etat policier dans lequel on prétend nous enfermer, à l’heure où le Conseil Constitutionnel avalise les réformes Dati-Sarkozy – « peine de sûreté », démagogie populiste sur le « droit des victimes », mythe de la « tolérance zéro » (sauf pour le droit des affaires !) – et alors que l’on érige en modèle de « civilisation » une conception des plus réactionnaires et xénophobes de l’Etat (comme le montre notamment le « Ministère de la Honte » que dirige Hortefeux) :

• Pour revenir une dernière fois à mon cas, certes anecdotique et malheureusement trop banal : Ma compagne, enceinte de près de 5 mois, a été prévenue et s’est présentée au commissariat du 18eme vers 22h15, fort inquiète et ne comprenant pas les raisons de mon arrestation. Aucune explication ne lui a été donnée. Elle a demandé à attendre, assise et à l’intérieur du commissariat, ma sortie de cet arbitraire policier kafkaïen. On l’a méchamment éconduite, l’insultant même, lui demandant d’attendre, dehors, en pleine nuit et dans le froid, en toute connaissance de son état et malgré ses protestations légitimes.

• Les rafles se multiplient dans notre pays. Arrêtons enfin d’avoir peur d’employer ce mot qui définit justement les opérations policières en œuvre aujourd’hui. Des commissions rogatoires sont fournies aux policiers par des juges d’instruction complaisants sous des motifs fallacieux pour permettre une véritable chasse aux « sans papiers » (l’exemple le plus mémorable reste la rafle du foyer AFTAM du XIIIe, le mois dernier).

Par ailleurs, et comme j’ai pu le constater à mes dépens, la brigade des stupéfiants est intervenu mardi soir, raflant brutalement de nombreux jeunes du quartier de la Goutte d’or pour finalement les relâcher au bout de quelques dizaines de minutes, faute d’éléments probants : rien ne justifie un tel déploiement policier et cette série d’arrestations et de vexations inutiles, privant des citoyens pendant un temps, aussi court soit-il, de leur liberté, pour répondre aux attentes d’une poignée d’électeurs tentés par les discours les plus nauséeux de la droite la plus abjecte.

• Il n’est jamais inutile, et je vais le faire maintenant, de rappeler les violences policières dont sont victimes tous les jours les personnes enfermées dans des camps, aux périphéries de nos villes, alors qu’elles n’ont commis aucun délit ni crime, uniquement parce que l’Etat qui se prétend nous représenter, rechigne à leur fournir des titres de séjour et des papiers qui leur permettraient de vivre et de travailler dignement à nos côtés et bien souvent aux côtés de leurs conjoint(e)s, de leurs femmes, maris ou enfants français. Ceci d’autant plus que l’on sait, pour des raisons notamment démographiques, de nous sommes et seront de plus en plus amenés à solliciter la force de travail, la créativité et les capacités de nos sœurs et frères nés sous d’autres latitudes.

• Enfin, je voudrais ici remercier tous les citoyens vigilants (ils étaient plus d’une cinquantaine) qui se sont mobilisés devant le commissariat du 18eme dans lequel Pierre, de nombreux jeunes du quartier et moi avons été injustement enfermés et qui nous ont fait entendre leur soutien alors que s’abattait sur nous l’injustice et l’arbitraire.

Aux cris de « libérez nos camarades ! », que nous entendions clairement remonter de la rue jusqu’aux fenêtres closes de cette forteresse absurde plantée en plein quartier populaire, ils nous ont fait savoir que, malgré tout, l’absurdité de la répression policière actuelle n’était pas une fatalité pour tous.

Malgré les nombreuses blessures qui m’ont été infligées par « les forces de l’ordre », malgré la pression constante à laquelle j’ai été soumis, plus de trois heures durant, à aucun moment je ne me suis senti seul face à l’arbitraire. Je tiens donc plus particulièrement à remercier les militants du 9eme Collectif, du Quotidien des Sans-Papiers, les militants des Verts du 18eme, également très réactifs, de LO, de la LCR, ainsi que tous les habitants du quartier et les autres personnes qui malgré le froid et l’heure tardive ont bruyamment fait part, devant le commissariat et plusieurs heures durant, de leur indignation devant ces pratiques policières et de leur soutien pour ceux qui en étaient, cette fois-ci, les victimes.

__

L’intervention policière pour ce que j’ai pu en apprendre :

Elle aurait été menée par la Brigade des stupéfiants, avec en renfort deux motards et les « ilotiers » du 18eme.

De nombreuses personnes, des jeunes du quartier ayant l’habitude de stationner en début de soirée au croisement de la rue Léon et de la rue de Panama ou fréquentant les bars et restaurant environnant, ont été arrêtées, sans que je n’ai pu en connaître le nombre exact. Dans le fourgon qui m’a emmené au commissariat du 18eme, huit personnes étaient présentes. Une personne aurait été retenue plus longtemps que les quatre heures de garde-à-vue autorisées pour un « simple contrôle d’identité ».

Les policiers ont gazé de nombreuses personnes qui se sont rassemblées pacifiquement pour observer le déroulement des arrestations : un enfant de 9 ans, présent sur les lieux avec son père, a échappé de justesse aux gaz lacrymogènes.

Branle-bas de combat chez poulagat ! Quelque temps après mon arrestation et mon arrivée dans le commissariat du 18eme, les policiers paniquent. Alors qu’ils parlent entre eux j’entends dire qu’ils auraient arrêté un élu… En fait, cette panique est consécutive à l’appel d’Olivier Reynal, des Verts du 18eme, à la préfecture. Au final aucun élu n’a été arrêté, malgré ce qu’ils ont cru.

L’AFP et une journaliste du Parisien ont été rapidement prévenus par des personnes du quartier. J’ai par la suite été contacté par la journaliste du Parisien qui m’a posé des questions, me disant qu’elle allait peut-être faire un article dans l’édition du jeudi 6 mars (l’article est bien paru dans l’édition du 6 mars du Parisien, illsutré par l’une de mes photos, sous le titre "L’interpellation des dealers tourne mal [on peut en voir une copie miniature en illustration de ce texte]".

Bruno


• Le témoignage de François :

Hier soir, Olivier et moi, nous rentrions tranquillement en velib de sa réunion de campagne sur les antennes relais et leurs dommages induits, jusqu’au QG de campagne de verts du 18, qui ce situe rue Léon.

La rue léon est une petite rue tout à fait charmante, avec ses trois petits bars accueillants, pas encore "bobohisés", dans lesquels fusent le soir des rires de toutes parts, de tous bords, de toutes couleurs. Chaque soir le monde y est refait et on repeint l’univers une fois par semaine.

Nous nous connaissons et apprécions tous, même cette pauvre Roxanne, abandonnée comme une pauvre chèvre par Seguin dans le quartier, a été finalement recueilli par ce village gaulois.

Il est vrai aussi qu’une petite partie de cette rue, une trentaine de mètres environ, est un lieu bien connu des consommateurs de crack. On y retrouve le soir une petite bande de dealer, entre dix et vingt suivant les descentes de police. C’est d’ailleurs devenu un jeu entre les dealeurs et la police. C’est connu de tous, mais la chose reste ou semble restée comme "normale".

J’avais remarqué, lors des élections présidentielles, une fréquentation beaucoup plus sensible de la part des policiers. Des passages beaucoup plus marqués, les voitures roulant au ralenti et une arrogance prononcée de la part de leurs occupants.

Depuis deux semaines, le cas c’est reproduit. Je ne pense pas que ce soit un hasard. De qui viennent les ordres, nous ne le savons pas vraiment : l’Élysée, Matignon, le Ministère, la préfecture, la mairie ? j’ai bien une idée, mais bon… comme j’ai l’impression que ça été toujours le cas avant des élections…

Donc hier soir nous remisons nos velibs dans leurs réceptacles et nous apercevons notre célèbre Jean-Pierre, candidat LO du quartier. Nous allons l’embrasser, comme il est coutume dans notre village. Il était tendu et nous apprends qu’une rafle vient d’être effectuée au coin de la rue Léon et de la rue de Panama, qu’il y aurait des sans papiers et notamment l’un des membre d’un collectif de sans papier du quartier.

L’un des gars avec qui Jean-Pierre discutait, un gars d’un groupe d’alerte informel sur les rafles (dont je vous repasserai volontiers le numéro d’alerte si vous voyez une rafle) nous mobilise.

En remontant la rue, Momo, notre Momo, un peu fatigué déjà, nous apprends que Pierre, historien, la douceur et la gentillesse personnalisée, notre Pierre, a été embarqué avec. Des sans papiers raflés dans le quartier c’est une habitude et la mobilisation ici est générale, mais Pierre, ça, c’était une surprise. C’était-il interposé ? Ce qui aurait été tout à fait possible, mais là même pas… Il avait juste pris en photo la descente de police et l’arrestation de dealers, eux-mêmes photographier par un photographe de la police.

La fronde était lancée, la commune renaissait, toutes tendances confondues (jusqu’au Modem).

Pierre, sans le savoir, avait posé la première pierre...

Nous sommes tous allé nous camper devant le commissariat de la Goutte d’or. Dans le même temps nous téléphonions les uns les autres qui à l’AFP, qui au Parisien, qui à la Kommandantur de la préfecture, qui au parquet.

Nous n’avions qu’un non, celui de Pierre et nous avons su assez rapidement qu’il était « en contrôle d’identité » et que cela ne durerait que « au maximum 4 heures  ». Pour les autres , n’ayant pas leur nom, ils ne nous ont rien dit.

Finalement, nos deux camarades, Pierre et celui du collectif ont été relâchés après leur contrôle d’identité respectif, et nous sommes allé boire un coup réparateur chez nos Trois Frères adorés.

Pour les "dealers" la nuit n’étaient pas finie.

Nous ne savons toujours pas combien de personnes ont été arrêtés ou raflées, et s’il y avait ou non des sans papiers.

Mais la question est posée : Peut on prendre des flics en pleine intervention de propagande lorsque l’on y est pas invité (voir l’opération de communication d’il y a maintenant deux semaines).

Et puis, qu’il est dur d’être citoyen ou sans papiers par les temps qui courent.

Un slogan me vient :

Police : On te surveille !

François

Notes :

[1] J’ai revu ce « photographe » au commissariat après mon arrestation. Journaliste complaisant « embeded » chargé de fournir aux médias des images « choc » à quelques jours des élections ou simplement membre d’un éventuel « service presse » de la Police, je ne saurais dire…

[2] J., que j’ai rencontré le lendemain de mon arrestation en essayant de récolter des témoignages** sur la brutalité de mon arrestation dans le quartier. Il m’a fait part de l’arbitraire policier qui règne dans l’arrondissement, sous couvert de « lutte contre la drogue », et qui expose au quotidien de nombreux jeunes du quartier de la Goutte d’Or à la multiplication des contrôles au faciès, au harcèlement policier, aux nombreuses rafles dont sont victimes les jeunes « qui travaillent et essaient de s’en sortir » . La rafle du 3 mars, dont on peut supposer qu’elle n’avait d’autre but que de mener une opération de com’ à la vieille des élections (la présence du « photographe » suscité en témoignant) n’aurait permis, malgré toutes les pressions exercées sur les personnes arrêtées, qu’à interpeller une personne.

** De nombreuses personnes se sont dites prêtes à témoigner de la brutalité de mon arrestation, qu’ils ont également pu juger complètement arbitraire. Je les en remercie. Un courrier a par ailleurs été envoyé à l’IGS signalant les graves dérives constatées lors de cette opération, notamment en ce qui concerne mon arrestation.

[3] Tous les mardis, à 19 heures, l’équipe du Quotidien des Sans-Papiers, dont je fais partie, anime une émission enregistrée à l’Olympic Café et diffusée en direct sur RueLeonTV. Nous y invitons à parler de l’actualité des sans-papiers les membres de collectifs, d’associations, et plus généralement tous ceux qui veulent prendre la parole sur la question des sans-papiers. Ce soir-là, pour la seconde fois consécutive, des membres du 9eme Collectif de sans-papiers revenaient sur la lutte des sans-papiers dans les camps de rétention de banlieues parisiennes (Vincennes et Mesnil-Amelot). Plus de renseignements : http://sanspapiers.info ou http://www.lateledessanspapiers.com .

Un site à visiter sur la vie du quartier : Regards Croisés


•• CODE DE DEONTOLOGIE DE LA POLICE NATIONALE ••

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TITRE PRELIMINAIRE

Article 1er

La police nationale concourt , sur l’ensemble du territoire, à la garantie des libertés et à la défense des institutions de la République, au maintien de la paix et de l’ordre publics et à la protection des personnes et des biens.

Article 2

La police nationale s’acquitte de ses missions dans le respect de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, de la Constitution, des conventions internationales et des lois.

Article 3

La police nationale est ouverte à tout citoyen français satisfaisant aux conditions fixées par les lois et règlements.

Article 4

La police nationale est organisée hiérarchiquement. Sous réserve des règles posées par le code de procédure pénale en ce qui concerne les missions de police judiciaire, elle est placée sous l’autorité du ministre de l’intérieur.

Article 5 Le présent code de déontologie s’applique aux fonctionnaires de la police nationale et aux personnes légalement appelées à participer à ses missions.

Article 6

Tout manquement aux devoirs définis par le présent code expose son auteur à une sanction disciplinaire, sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale.

Article 7

Le fonctionnaire de la police nationale est loyal envers les institutions républicaines. Il est intègre et impartial ; il ne se départit de sa dignité en aucune circonstance. Placé au service du public, le fonctionnaire de police se comporte envers celui-ci d’une manière exemplaire. Il a le respect absolu des personnes, quelles que soient leur nationalité ou leur origine, leur condition sociale ou leurs convictions politiques, religieuses ou philosophiques.

Article 8

Le fonctionnaire de la police nationale est tenu , même lorsqu’il n’est pas en service, d’intervenir de sa propre initiative pour porter assistance à toute personne en danger, pour prévenir ou réprimer tout acte de nature à troubler l’ordre public et protéger l’individu et la collectivité contre les atteintes aux personnes et aux biens.

Article 9

Lorsqu’il est autorisé par la loi à utiliser la force et, en particulier, à se servir de ses armes, le fonctionnaire de police ne peut en faire qu’un usage strictement nécessaire et proportionné au but à atteindre.

Article 10

Toute personne appréhendée est placée sous la responsabilité et la protection de la police ; elle ne doit subir, de la part des fonctionnaires de police ou de tiers, aucune violence ni aucun traitement inhumain ou dégradant . Le fonctionnaire de police qui serait témoin d’agissements prohibés par le présent article engage sa responsabilité disciplinaire s’il n’entreprend rien pour les faire cesser ou néglige de les porter à la connaissance de l’autorité compétente. Le fonctionnaire de police ayant la garde d’une personne dont l’état nécessite des soins spéciaux doit faire appel au personnel médical et, le cas échéant, prendre des mesures pour protéger la vie et la santé de cette personne.

Article 11

Les fonctionnaires de police peuvent s’exprimer librement dans les limites résultant de l’obligation de réserve à laquelle ils sont tenus et des règles relatives à la discrétion et au secret professionnels.

Article 12

Le ministre de l’intérieur défend les fonctionnaires de la police nationale contre les menaces, les violences, les voies de fait, les injures, diffamations ou outrages dont ils sont victimes dans l’exercice ou à l’occasion de leurs fonctions.

TITRE II : DROITS ET DEVOIRS RESPECTIFS DES FONCTIONNAIRES DE POLICE ET DES AUTORITES DE COMMANDEMENT

Article 13

L’autorité investie du pouvoir hiérarchique exerce les fonctions de commandement. A ce titre, elle prend les décisions et les fait appliquer ; elle les traduit par des ordres qui doivent être précis et assortis des explications nécessaires à leur bonne exécution.

Article 14

L’autorité de commandement est responsable des ordres qu’elle donne, de leur exécution et de leurs conséquences. Lorsqu’elle charge un de ses subordonnés d’agir en ses lieu et place, sa responsabilité demeure entière et s’étend aux actes que le subordonné accomplit régulièrement dans le cadre de ses fonctions et des ordres reçus. Le fonctionnaire de police doit exécuter loyalement les ordres qui lui sont donnés par l’autorité de commandement. Il est responsable de leur exécution ou des conséquences de leur inexécution.

Article 15

L’autorité de commandement transmet ses ordres par la voie hiérarchique. Si l’urgence ne permet pas de suivre cette voie, les échelons intermédiaires en sont informés sans délai.

Article 16

Hors le cas de réquisition, aucun ordre ne peut être donné à un fonctionnaire de police qui ne relève pas de l’autorité fonctionnelle de son auteur, si ce n’est pour faire appliquer les règles générales de la discipline.

Article 17

Le subordonné est tenu de se conformer aux instructions de l’autorité, sauf dans le cas où l’ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public. Si le subordonné croit se trouver en présence d’un tel ordre, il a le devoir de faire part de ses objections à l’autorité qui l’a donné, en indiquant expressément la signification illégale qu’il attache à l’ordre litigieux. Si l’ordre est maintenu et si, malgré les explications ou l’interprétation qui lui en ont été données, le subordonné persiste dans sa contestation, il en réfère à la première autorité supérieure qu’il a la possibilité de joindre. Il doit être pris acte de son opposition. Tout refus d’exécuter un ordre qui ne répondrait pas aux conditions ci-dessus engage la responsabilité de l’intéressé.

Article 18

Tout fonctionnaire de police a le devoir de rendre compte à l’autorité de commandement de l’exécution des missions qu’il en a reçues, ou, le cas échéant, des raisons qui ont rendu leur exécution impossible.

TITRE III : DU CONTROLE DE LA POLICE

Article 19

(Décret nº 2001-709 du 31 juillet 2001 art. 5 Journal Officiel du 3 août 2001)

Outre le contrôle de la chambre de l’instruction, qui s’impose à eux lorsqu’ils accomplissent des actes de police judiciaire, les personnels de la police nationale et les autorités administratives qui les commandent sont soumis au contrôle hiérarchique et au contrôle de l’inspection générale de l’administration et, s’agissant des seuls personnels de la police nationale, également à celui de l’inspection générale de la police nationale.



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